Slow communication et exigences algorithmiques
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Et si ralentir était la clé pour mieux communiquer ? La slow communication s’appuie sur une idée simple : privilégier la qualité à la quantité et prendre le temps de concevoir des contenus plus réfléchis, plus pertinents, plus durables. Mais avec les exigences des algorithmes, peut-on réellement ralentir notre fréquence de publication sans risquer de perdre en visibilité ? Si la slow communication offre une réponse séduisante à l’infobésité, elle soulève aussi des questions : pour qui est-elle accessible ? Quels en sont les compromis ?
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Définition de la Slow Communication
Less is more
La slow communication est une approche stratégique de la communication éthique. Il s’agit d’un concept issu du mouvement “slow” qui consiste à privilégier la qualité plutôt que la quantité. La slow communication aiderait à réduire les efforts inutiles en diminuant la fréquence de nos publications, mais aussi à gagner en crédibilité et en pertinence en publiant uniquement des contenus de qualité.
La slow communication propose d’adopter un rythme plus humain, moins dépendant des algorithmes. Publier du contenu sans aucun objectif, simplement pour être visible, n’est pas recommandé. On conseillera plutôt de prendre le temps de réfléchir, d’observer et d’écouter avant de s’exprimer.
Stratégie de contenus
La slow communication s’inspire des fondements de l’inbound marketing, appelé également “stratégie de contenus”. Il s’agit d’attirer naturellement sa clientèle et d’éviter tout démarchage intrusif. Il faut pour cela prendre le temps de réfléchir à son ciblage marketing :
- Des objectifs clairement définis
- Une cible de communication précise
- Des contenus cohérents avec les valeurs de l’entreprise
Pertinence et intemporalité
La slow communication repose sur la création de contenus intemporels, des contenus dits “froids”. Ceux-ci répondront aux besoins réels de son audience de façon pérenne. On évitera à l’inverse la création de contenus “chauds” ou “snack contents” qui misent plutôt sur l’instantanéité. En clair, on préférera créer un guide complet autour d’un sujet plutôt que d’en relayer les actualités.
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Histoire de la Slow Communication
Big Mic Mac
La slow communication puise ses racines dans le slow movement, un courant culturel initié en 1986 en réaction à l’installation d’un McDonald’s sur la Piazza di Spagna, à Rome. Ce mouvement a vu le jour avec le slow food, qui défend une alimentation « propre, bonne et juste ».
Face à l’homogénéisation culinaire et à la malbouffe, Carlo Petrini et ses partisans ont proposé une alternative à la restauration rapide : une restauration durable fondée sur la biodiversité, le plaisir et la solidarité. Cet engagement s’est ensuite étendu à d’autres sphères et a donné naissance à la slow life (ou slow living), au slow business, à la slow fashion, et plus récemment, à la slow communication.
Un héritage de la décroissance
Le slow movement, dont découle la slow communication, est intimement lié aux principes anti-consumériste de la décroissance. En opposition à la société de consommation, la décroissance plaide en faveur d’une réduction de la production et une utilisation raisonnée des ressources.
Une réaction à l'infobésité
Avec le développement des technologies de l’information, de nombreuses personnes se sentent “saturées” par une surcharge informationnelle. Ce phénomène présent depuis les années 1960 est aussi appelé “Infobésité”. Dans ce contexte, où la surabondance de contenus abreuve le public, la slow communication apparaît comme une réponse au rythme effréné imposé par les algorithmes.
Ce besoin de ralentir la cadence reflète une volonté de se détacher des pratiques marketing traditionnelles perçues comme intensives, intrusives et aliénantes. Le public, de plus en plus conscient de ces dérives, exige des contenus plus qualitatifs. La slow communication permet de répondre à ces attentes.
Une évolution de l'Inbound Marketing
La slow communication s’est également inspirée des grands principes de l’inbound marketing, popularisé aux États-Unis avant d’arriver en France au début des années 2010. À l’origine, l’inbound marketing visait à rendre les entreprises visibles grâce à une abondance de contenus, sans pour autant valoriser la qualité.
La slow communication pousse cette logique plus loin en intégrant des valeurs éthiques et une vision à long terme. Le client doit venir naturellement vers l’entreprise, certes, mais pas par n’importe quel moyen. On privilégie la pertinence des contenus plutôt que leur abondance. Pour cela, on n’hésitera pas à intégrer tous les membres de l’entreprise dans la création de contenus. Le but est de rendre sa communication plus humaine, mais également plus experte.
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Avantages de la Slow Communication
1. Renforcer sa crédibilité
Adopter une démarche orientée slow communication pourrait améliorer l’image de marque de votre entreprise. En produisant des contenus plus réfléchis et plus pertinents pour votre audience, vous renforcez la confiance et la fidélité de votre public cible.
2. Attirer une audience ciblée
Grâce à des messages précis et bien définis, cette stratégie vous permettra de capter l’attention de la bonne cible. Les contenus que vous créez sont censés répondre directement aux attentes spécifiques de votre audience et augmenter ainsi l’efficacité de vos publications.
3. Préserver son équilibre personnel et professionnel
La slow communication nous encourage à adopter un rythme de travail plus humain. En produisant moins, mais mieux, on évite l’épuisement physique et émotionnel de ses équipes. Le but est de favoriser une approche viable sur le long terme, en accord avec les capacités de chacun.
4. Favoriser une consommation raisonnée des médias
En limitant les publications superflues, vous parviendrez à entretenir plus sereinement vos supports de communication. En prenant conscience que certains chiffres comme le nombre d’abonnés ou le nombre de like n’est pas si important pour la croissance de votre entreprise, vous parviendrez à vous recentrer sur l’essentiel : l’acquisition client. Fini la course aux chiffres et à la recherche intensive de performance issue de la Hustle Culture.
5. Respecter son audience
Plutôt que de bombarder votre audience de messages non sollicités, la slow communication propose de lui apporter une réelle valeur ajoutée en lui partageant de véritables connaissances à travers des contenus pédagogiques. Cela renforcera le lien que vous entretenez avec votre public cible, en le considérant comme une personne à part entière plutôt qu’un simple consommateur.
6. Réduire son Impact Environnemental et Sociétal
En limitant la surproduction et en favorisant des pratiques plus éthiques, vous participerez à une démarche citoyenne. La slow communication pourrait contribuer à réduire votre empreinte environnementale en limitant la publication de contenus inutiles.
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Limites de la Slow Communication
Comment ne pas résister devant tant d’arguments en faveur de la slow communication ? Qui ne rêve pas de travailler moins pour gagner plus ? Qui n’a pas envie de contribuer à rendre notre monde plus vert, plus éthique ? En réalité, personne. Sur le papier, tout le monde signe. Mais comment cela se passe-t-il dans les faits ? En étant un peu tatillon et en se confrontant à la réalité du statut d’entrepreneur, on remarque rapidement qu’il y a quelque chose qui cloche dans tout ça.
1. Invisibilisation de vos contenus sur les réseaux sociaux
Publier du contenu froid sur les réseaux n’est pas valorisé par l’algorithme. Publier moins fréquemment non plus. Si votre but est de rendre les réseaux sociaux plus éthiques, là encore, c’est loupé ! Publier moins fréquemment n’aura aucun impact sur la qualité globale des réseaux sociaux, à moins que tous les comptes présents sur la plateforme fassent de même.
Tous les mécanismes des réseaux sociaux vont à l’encontre des principes de la slow communication. Ce décalage entraînera une invisibilisation des contenus qualitatifs, qui deviendront forcément moins visibles face à la concurrence. Ce n’est pas ce que l’on souhaite. Pour rester visible sur ces plateformes il faut jouer avec leurs propres codes et créer régulièrement du snack content. Et puis, à mon sens, un “contenu chaud” n’est pas synonyme de “contenu sans aucune valeur ajoutée”. Créer du contenu ludique et pédagogique requiert par contre un certain nombre de compétences.
2. Un blog qui manque de fraîcheur
Malgré sa promesse de durabilité, la slow communication reste tributaire des différents algorithmes pour garantir la visibilité des contenus. Une mauvaise optimisation ou un manque de régularité réduira drastiquement votre impact, même si vos contenus sont pertinents.
Concernant les réseaux sociaux, nous l’avons vu précédemment, ce concept n’est pas compatible avec le principe même de ces plateformes. Et pour les moteurs de recherche ? Un site mis à jour tous les 6 mois, cela ne va pas beaucoup plaire aux algorithmes. Il faudra trouver un juste milieu et à minima entretenir les articles précédemment publiés pour les rendre plus attrayants pour nos moteurs de recherche favoris. Je ne vous cache pas que cela représente aussi énormément de travail.
Si vous souhaitez réellement un contenu qui résiste à l’épreuve du temps, il faudra effectuer régulièrement de la veille, relire, réécrire, sourcer toutes vos informations. Certes, vous publierez moins, mais vous ne passerez pas moins de temps à réaliser vos contenus. Il serait illusoire de le présenter comme une solution miracle pour gagner en productivité.
3. Difficile pour les petites structures
Lancer son entreprise en partant de zéro n’est pas une mince affaire. Sans capital social, vous aurez beau créer du contenu de qualité, l’impact ne suivra pas. Sans investir un seul kopeck dans votre stratégie de communication, ça me paraît très compliqué. Je le dis en connaissance de cause. Sans aucun réseau, sans aucune stratégie globale, cela reviendrait à créer une magnifique carte de visite qui resterait au fond de votre poche. Même si elle est magnifique, personne ne la verra.
C’est une stratégie hasardeuse sur laquelle il est dangereux de compter si l’on souhaite développer son activité en ligne en partant de rien. Cela ne fonctionne que si l’on a déjà un réseau assez développé que ce soit sur internet ou dans la vie réelle. Pour les petites entreprises, adopter cette stratégie me semble donc risqué : publier moins pourrait réduire leur visibilité, essentielle à leur survie. La slow communication n’est donc pas une stratégie accessible à tous.
4. Peu séduisant pour les grandes entreprises
À l’inverse, la slow communication semble plus adaptée aux grandes et moyennes entreprises qui souhaitent gagner en crédibilité et en expertise, mais celles-ci semblent plutôt rechercher des résultats immédiats. Ces structures éprouvent moins le besoin d’intégrer la slow communication dans leur stratégie globale. Choisir des indicateurs de performance plus ciblés, prendre le temps de retravailler sa stratégie, intégrer tous les membres de l’équipe dans la création de contenu et lâcher-prise face aux objectifs à court terme reste compliqué à mettre en place.
5. Un Luxe pour les structures privilégiées
Pratiquer le slow living, le slow business ou encore la slow communication nécessite des moyens. Sans aucune ressource financière, sans aucun temps disponible ni prestataire extérieur, vous n’irez pas bien loin. Tout ceci fait pourtant défaut aux plus démunis. Encore une fois, à mon humble avis, c’est un luxe que l’on ne peut pas tous se payer.
Dans un système capitaliste où la survie économique impose des résultats rapides, prendre le temps devient un privilège que toutes les structures ne peuvent s’offrir. En voulant proposer une alternative éthique, la slow communication peut involontairement adopter une posture moralisatrice. Ce qui a de fortes chances de culpabiliser les structures qui n’ont pas les moyens de mettre en place cette stratégie.
“Faire du slow living, c’est avant tout prendre le temps, comme son nom l’indique. Or avoir du temps, c’est un privilège en soi.”
Sabine – Créatrice de contenus
6. Une goutte d’eau dans la mare
L’impact environnemental du numérique est majoritairement lié à la fabrication des équipements et non au stockage de données. Selon l’ADEME, cela représente 78% des émissions de gaz à effet de serre. Publier moins souvent ne va pas changer la face du monde. Il est mensonger d’affirmer le contraire.
Se prétendre “éco-responsable” en agissant uniquement sur ce volet-là, c’est tout simplement du greenwashing. Cela nous détourne des combats qui ont le plus d’importance, comme mettre en valeur l’indice de réparabilité des équipements ou favoriser le réemploi. À notre échelle, en tant que petite entreprise, nous pouvons aussi essayer de prolonger la durée de vie de nos équipements, mais nous avons surtout besoin d’un soutien politique.
Lap Lab et la Slow Communication
Personnellement, avec une bonne stratégie et un calendrier éditorial aux petits oignons, je peux tenir un long moment. Pour les réseaux sociaux je ne suis donc pas prête à ralentir la cadence.
Pour mes articles de blog, c’est une autre histoire. J’ai besoin de faire le tour d’un sujet pour me l’approprier pleinement. J’y passe énormément de temps tous les mois. Ralentir le rythme de publication et cibler davantage les sujets me paraît donc plus pertinent. Dans mon cas, une fréquence trimestrielle est bien plus adaptée.
Cela me permettra de revisiter mes anciens articles pour les réactualiser et les rendre plus attractifs pour les moteurs de recherche.
Je suis entièrement d’accord avec le principe de privilégier la qualité à la quantité, mais nous devons aussi accepter l’idée que tous les contenus que nous publierons ne seront pas parfaits. Ce n’est d’ailleurs pas ce que l’on attend de vous sur les réseaux sociaux. Nous attendons surtout de l’authenticité. Publier du snack content peut tout aussi bien répondre aux attentes de votre cible, si cela est fait avec un minimum de conscience professionnelle.
Ne pas répondre aux exigences des algorithmes risque de vous invisibiliser. Donc, allez-y à votre rythme, oui, mais gardez tout de même vos objectifs en tête.